Depuis plusieurs siècles, des victimes de persécutions religieuses ou politiques demandent protection à la Suisse. Loin d’être lié à la seule situation géographique de notre pays, ce choix s’explique aussi par la pluralité politique, confessionnelle et culturelle qui le caractérise.
À l’époque de la Réforme et de la Contre-Réforme, les réfugiés demandant l’asile dans notre pays étaient avant tout des personnes poursuivies pour leur religion, en particulier des huguenots, qui se réfugièrent pour la plupart dans la Cité de Calvin. Après la Nuit de la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572, plus de 2000 familles françaises gagnèrent ainsi Genève. Puis, à la suite de la révocation de l’Édit de Nantes (en octobre 1685), c’est en masse que les huguenots affluèrent dans les villes protestantes de la Confédération. Ils ne furent pas accueillis dans les cantons catholiques, opposés à leur arrivée. Le 30 août 1687, le gardien de la Porte Neuve à Genève compta 800 nouveaux arrivants aux portes de la ville. Après 1686, ce fut au tour des Vaudois (disciples de Pierre Valdo, membres d’une communauté dissidente de l’Église catholique) de se réfugier en Suisse.
Entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle, le nombre des réfugiés «religieux» en Suisse s’élevait à quelque 20 000 personnes – dont environ 6000 à Berne –, qui étaient tributaires de l’assistance publique et de la générosité de leurs protecteurs. En l’espace d’une génération, près de 140 000 réfugiés traversèrent le territoire. Louis XIV réagit avec indignation à la très généreuse politique d’admission que menait la Suisse, au prix de lourds sacrifices pour sa population d’ailleurs. Mais, en contrepartie, les réfugiés contribuèrent à l’essor intellectuel et matériel que connut le pays à l’époque. Dans certains endroits, toutefois, seuls les plus riches et les ouvriers qualifiés furent accueillis, alors qu’on se débarrassa des pauvres et de ceux qui n’avaient pas de savoir-faire à offrir, en leur refusant la citoyenneté suisse.
Au lendemain de la Révolution française et durant le XIXe siècle, ce furent surtout des réfugiés politiques qui cherchèrent asile en Suisse. Provoquant régulièrement des querelles intestines, la question de l’admission des réfugiés envenima les relations de la Suisse avec l’étranger, et le pays évita de justesse une guerre contre la France en 1837. La France, qui avait demandé l’expulsion de Louis Napoléon Bonaparte, le futur Napoléon III, prit des mesures militaires devant le refus de la Suisse, mobilisant 25 000 hommes. La crise fut dénouée quand Napoléon se résolut à quitter la Suisse pour l’Angleterre.
Après le Congrès de Vienne et la répression des mouvements libéraux, à la suite des révolutions de 1830, les cantons libéraux accueillirent des réfugiés fuyant la France, le Piémont, l’Allemagne et la Pologne. La politique des réfugiés menée par la Suisse, seul État libéral au lendemain des révolutions de 1848, l’exposait à la pression des États voisins. Au point que la Suisse fut parfois contrainte de céder et d’expulser des étrangers.
À la suite de l’adoption, en Allemagne, d’une loi d’exception contre les sociaux-démocrates en octobre 1878, de nombreux tenants de ce parti trouvèrent asile en Suisse. Au cours des décennies qui suivirent, les réfugiés arrivant en Suisse furent essentiellement des anarchistes, des nihilistes et des partisans de mouvements socialistes et communistes. Leur présence dans le pays était tolérée tant qu’ils se tenaient tranquilles. Rappelons que même Lénine et Trotski ont passé quelque temps en Suisse.
Pendant la Première Guerre mondiale, la Suisse hébergea en priorité des réfugiés militaires et des civils évacués.
En 1942, le conseiller fédéral Eduard von Steiger eut une optique très différente de celle de son prédécesseur Numa Droz, usant de la métaphore selon laquelle «la barque [était] pleine». En août de cette année, la frontière se ferma aux réfugiés poursuivis «en raison de leur race», et en particulier aux juifs.
En 1956, au lendemain de la révolution de Hongrie réprimée par les troupes soviétiques, la Suisse accueillit provisoirement 14 000 réfugiés hongrois, dont 7000 restèrent définitivement dans notre pays. À partir de 1959, ce furent des Tibétains qui se réfugièrent en Suisse. Après l’intervention des troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie, en 1968, environ 12 000 Tchécoslovaques fuirent le régime pour gagner la Suisse (la majorité étant des travailleurs qualifiés et des diplômés universitaires). Ils furent pour la plupart accueillis chaleureusement par la population. 1973 marque le renversement du gouvernement Allende. Si le Conseil fédéral comptait, à l’époque, n’admettre que 200 réfugiés chiliens, il fut contraint de céder devant le tollé que suscita cette déclaration, et d’ouvrir plus largement les portes de la Suisse à ces nouveaux réfugiés. Entre 1975 et 1983, 8200 réfugiés provenant du sud-est asiatique obtinrent l’asile dans notre pays. À la suite de la déclaration de l’état de guerre en Pologne en 1981, la Suisse accueillit 2500 réfugiés polonais.
La situation a beaucoup changé depuis le début des années 80. D’abord, le nombre des demandes d’asile s’est considérablement accru. Ensuite, la géographie de l’immigration fait apparaître une diversification progressive des pays d’origine : de nombreux requérants proviennent aujourd’hui du Sri Lanka, de Turquie, des Balkans, d’Irak et de plusieurs États africains. Cette évolution s’explique notamment par la mobilité et l’interconnexion croissantes qui caractérisent le monde depuis cette décennie. La Suisse a accueilli près de 30 000 personnes à protéger pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine (1992-1995) et 53 000 au cours de la guerre au Kosovo (1998-1999). Depuis le début de XXIe siècle, le nombre de demandes d’asile a connu plusieurs fluctuations. Au début des années 2000, il oscillait autour de 20 000 par an. De 2005 à 2007, les chiffres annuels ont chuté de moitié, avant de repartir à la hausse. Depuis 2011, le nombre de demandes d’asile évolue entre 20 000 et 28 000 par an – sauf en 2015, année durant laquelle l’Europe a connu un afflux exceptionnel de requérants d’asile et où la Suisse a enregistré 39 500 demandes. Dans les années qui ont suivi, le nombre annuel de demandes d’asile a une nouvelle fois fortement diminué, passant même sous la barre des 20 000 en 2017 et 2018.
Depuis 2013, la Suisse s’investit de plus en plus dans l’accueil de groupes de réfugiés à la faveur du programme de réinstallation mis sur pied par le HCR. Ce programme s’adresse à des personnes particulièrement vulnérables qui se trouvent dans un pays de premier accueil et auxquelles le HCR a reconnu le statut de réfugié. De 2016 à 2017, la Suisse a également participé au programme de relocalisation de l’UE. La relocalisation consiste à transférer vers un autre État européen des requérants d’asile déjà enregistrés en Italie ou en Grèce afin de soulager ces deux États Dublin, qui sont confrontés à de nombreuses demandes à la frontière extérieure de l’espace Schengen.
Dernière modification 01.03.2019